Une vidéo clandestine tournée à l'abattoir d'Alès et montrant des maltraitances animales a provoqué mercredi la fermeture temporaire de l'établissement. Membre du conseil national de l'Ordre des vétérinaires, Ghislaine Jançon analyse les images pour L'Express.
Les 4 minutes 30 de la vidéo auront suffi à provoquer la fermeture provisoire de l'établissement vieux d'un demi-siècle. La mairie d'Alès (Gard) a sanctionné mercredi soir
son abattoir municipal après la diffusion
d'une vidéo accablante par l'association L214. Les images, prises en caméra cachée, montrent des animaux, dont la viande est destinée à la consommation, être tués encore conscients ou asphyxiés dans des puits. Une enquête interne a été diligentée
pour faire la lumière sur ces maltraitances.
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de l'Ordre des vétérinaires, Ghislaine Jançon se dit incrédule face à cette vidéo choc. Cette spécialiste du bien-être animal détaille les règles à respecter dans les abattoirs.
Comment analysez-vous ces images? Ghislaine Jançon - J'ai eu une réaction d'incrédulité et de rejet en voyant cette vidéo. Lorsque l'on regarde chacune de ces images séparément, on constate qu'elles sont intolérables du point de vue du bien-être animal. Toutes les phases de l'abattage sont encadrées et doivent respecter un minimum de règles, édictées notamment au niveau européen, pour que l'animal ne souffre pas. Ce n'est pas le cas ici.
Parmi les infractions que j'ai relevées, il y a ces porcs entassés et asphyxiés avec un gaz qui semble être du C02. On voit qu'ils expriment de la douleur. Il y a aussi cette séquence où l'on voit un employé s'y reprendre à plusieurs reprises pour égorger un mouton, alors que la mort doit être donnée de façon instantanée. Enfin, la saignée d'un cheval doit normalement être faite rapidement pour ne pas qu'il y ait de reprise de conscience comme on le voit ici.
Dans cet abattoir, les animaux sont tués à la fois de façon classique et selon un rituel religieux. Existe-t-il une différence entre ces deux pratiques du point de vue de la souffrance? Le débat est scientifique et la question de savoir si un animal souffre plus lorsqu'il étourdi par rapport à s'il ne l'est pas n'est pas tranchée. L'Europe admet la possibilité d'une dérogation à l'étourdissement de l'animal si la pratique est contraire à certaines religions. La France a demandé cette dérogation. Ceci dit, il ne faut pas voir le débat sous l'angle de la religion. Car cette dérogation est encadrée et dans les deux cas, il faut assurer un respect de l'animal. Il faut par exemple que le sacrificateur soir bien formé.
Lorsqu'on étourdit un animal, il ne faut pas qu'il se réveille et on doit respecter un délai rapide avant de le tuer. De même, lorsqu'on abat un animal sans étourdissement, celui-ci doit être installé dans un box de contention pour qu'il ne bouge pas et ne se fasse pas mal. Ce n'est pas le cas dans cette vidéo.
La fondation Bardot estime que cette vidéo ne montre que "le quotidien des abattoirs". Qu'en pensez-vous? Les questionnements sont légitimes et cette vidéo jette forcément le discrédit sur l'ensemble des abattoirs. Il faut savoir que l'on a toujours privilégié la sécurité sanitaire au bien-être animal, qui est une notion récente. La mise en application des règles prend du temps. Ce que je peux dire en revanche, c'est qu'il y a des contrôles réguliers de vétérinaires dans ces établissements. Après, un petit abattoir, comme celui d'Alès, a forcément moins de moyens qu'un grand pour assurer un travail de qualité.
La manière cruelle dont sont abattus ces animaux peut-elle entraîner des dangers sur le plan sanitaire? Quelles que soient les conditions durant lesquelles sont effectuées les abattages, il y a toujours un contrôle post-mortem de la qualité et de la sûreté de la viande. Si un cheval présente une plaie infectée par exemple, les vétérinaires regardent si la viande n'est pas contaminée. Et si c'est toute la carcasse qui présente un danger, elle est éliminée et n'est pas mise en circulation. De même, avant l'abattage, les animaux malades ou stressés sont normalement évacués. Comme je l'ai dit, la santé du consommateur a toujours primé. Il faut laisser du temps maintenant avant que la sensibilisation à la souffrance animale soit prise en compte.