PORTRAIT - C'est avec une large victoire que Benoît Hamon s'impose pour l'élection présidentielle 2017. De frondeur à candidat de la gauche, retour sur son ascension.
C'est une victoire incontestable et incontestée. Benoît Hamon est désormais le candidat de la gauche avec 58,88% des suffrages, contre 41,12% pour Manuel Valls. Après un premier tour écorné par un flou sur le nombre de participants, Thomas Clay, le président de la Haute autorité a annoncé une participation en hausse qui pourrait atteindre 2 millions de votants.
Dans une prise de parole intervenue quelques minutes après l'officialisation des résultats, Benoît Hamon affirme : "Dès lundi je proposerai (...) à tous les candidats à cette primaire mais aussi à tous ceux qui se reconnaissent dans la gauche et l'écologie politique, en particulier Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon, de ne penser qu'à l'intérêt des Français au-delà de nos personnes.
Je leur proposerai de construire ensemble une majorité gouvernementale cohérente et durable pour le progrès social, écologique et démocratique".
Une base électorale chez les MJS
Benoît Hamon est issu de la "génération Rocard". Lors du
décès de l'ancien premier ministre, il explique sur Twitter : "Avec lui, j'ai appris ce qui compte à mes yeux le plus : l'éthique de conviction. Michel Rocard s'est éteint et sa mort me bouleverse".
Les Inrocks raconte qu'à la fin des années 1980, "ce fumeur compulsif de Marlboro, maigre au point d’inquiéter ses camarades, peine à se faire remarquer. Malgré tout,
sa pugnacité lui permet de décrocher un poste d’assistant parlementaire auprès de Pierre Brana, député rocardien de la Gironde, qui le rémunère alors 2.000 francs : 'Ce n’est pas un homme de surface. Quand il rentre dans un sujet, il le fait à fond, il ne s’arrête pas à la quatrième de couverture quand il lit un livre', se félicite Brana a posteriori".
En 1993, il est nommé président du Mouvement des jeunes socialistes. "Avec une nouveauté : le mouvement devient autonome. 'Le côté autogestion et décentralisation convenait aux deux', se marre un témoin de l’époque, qui ajoute : 'Rocard aimait l’ambition et la fougue d’Hamon'", note
Libération. Cet événement politique est probablement sa force. Il ne remportera pas les élections européennes et quitte la rue de Solférino. Mais
"depuis Benoît Hamon a gardé un pied dans la jeunesse pour se construire sa base de fidèles", confie un député socialiste au journal.
Un ténor du
Parti socialiste confirme aux
Inrocks que “c’est toujours lui qui le dirige à l’heure actuelle, il ne l’a jamais lâché. Il contrôle les cartes, les adhésions et il a placé tous ses proches à la direction. Les élections au MJS sont toujours de grands moments de plaisanterie, où les seules secousses surviennent quand des sous-courants hamonistes se tirent la bourre”.
Un frondeur pour représenter la gauche
C'est en 2002 avec l'élimination de Lionel Jospin au premier tour de l'élection présidentielle que Benoît Hamon s'affirme sur le devant de la scène. Depuis 1997, il travaille au sein du cabinet de Martine Aubry, après avoir perdu aux élections législatives. "Le samedi 26 octobre 2002 à La Sorbonne, devant un millier de soutiens, la fine silhouette de Hamon prend une voix de stentor pour décrire son plan de bataille contre la droite : 'Je ne veux plus entendre Sarkozy se présenter comme le défenseur de la France des oubliés, ni Raffarin dépolitiser et désidéologiser son action !'”, indique
Les Inrocks.
Benoît Hamon intègre le gouvernement au poste de ministre délégué à l'Économie sociale et solidaire et à la Consommation, en 2012. Il rejoint ensuite l'Éducation nationale (avril 2014) mais renforce son image de frondeur en quittant le gouvernement quatre mois plus tard. Le point de non-retour est atteint lorsqu'il se rend à la Fête de la rose aux côtés d'Arnaud Montebourg, à l'époque ministre de l'Économie, également en opposition avec la politique de l'exécutif, dont il faisait lui aussi partie.
Lors du débat de l'entre-deux tours,
Benoît Hamon rappelle à son rival que s'il avait pu voter lors du passage de la loi Macron et la loi Travail à l'Assemblée, il aurait voté contre. Il le ramène ainsi aux différentes utilisations du 49.3. Le communiquant Philippe Moreau-Chevrolet estime dans une tribune sur le
Huffington Post que "la victoire de Hamon est un réflexe de survie pour le PS. Il revient aux valeurs fondatrices de la gauche, avec des positions idéalistes, qui projettent les électeurs vers l'avenir. C'est une chance pour le PS. C'est même sa seule chance : revenir à ce qu'il est vraiment, un parti conçu pour 'changer la vie', et non un parti de gestionnaires ou de comptables".
Au fur et à mesure que la campagne a avancé, la dynamique autour de Benoît Hamon s'est enclenchée et l'hypothèse de sa victoire a pris forme dans l'esprit de plusieurs dirigeants du Parti socialiste. En décembre dernier, Jean-Christophe Cambadélis, cité par
Challenges, expliquait que "tout le monde pronostique un deuxième tour Valls-Montebourg mais qui sait aujourd'hui ? La campagne d'Arnaud n'imprime guère, alors qu'Hamon fait du boulot sérieux.
Attention au petit Benoît, la surprise pourrait venir de là".
Une dynamique née dans "L'Émission Politique"
Sa participation à
L'Émission Politique de France 2 a renforcé l'élan en faveur de Benoît Hamon. "L'intention originale est d'y accueillir François Hollande qui se serait déclaré candidat quelques jours plus tôt. Sauf que le président est hors course, la chaîne n'a plus d'invité", explique
Le Huffington Post. L'option de Manuel Valls ne fonctionne pas. David Pujadas et Léa Salamé envisagent alors Benoît Hamon. "En octobre, il n'était pas question d'invitation à
L'Émission Politique mais plutôt de voir ce qu'il avait dans le ventre. Nous étions sortis de ce déjeuner avec le sentiment qu'il tenait la route et qu'il avait bossé ses dossiers", explique au site la journaliste.
Le pari est gagné pour le candidat qui a convaincu les téléspectateurs : "Ce qu'on a ressenti sur le plateau, des gens l'ont vu devant leur écran. On s'est tous dit 'il sait de quoi il parle, il a l'étoffe pour être notre candidat'
. Il a bluffé beaucoup de monde, y compris chez ses soutiens", indiquait Alexis Bachelay, le porte-parole de Benoît Hamon.