ÉCLAIRAGE - Après la victoire de l'ancien ministre à la primaire de la Belle alliance populaire, dimanche 29 janvier, plusieurs questions se posent pour la suite de la campagne présidentielle.
C'est un scénario qui peut surprendre. S'il n'était pas parti favori, Benoît Hamon a tout de même réussi à s'imposer lors de la primaire de la gauche avec
58,89% des voix. Il est donc le candidat investi par le PS et ses alliés, après avoir battu Manuel Valls (41,11%). La course à l'Élysée se précise après cette dernière primaire, à quelques mois du premier tour, en avril prochain, mais laisse de nombreuses questions en suspens. Surtout à gauche.
Le profil de Benoît Hamon, au
gouvernement dans la première partie du quinquennat puis démissionnaire et enfin
député frondeur contre la politique de Manuel Valls, ne va pas convenir à tout le monde et risque de faire de l'ombre à d'autres. Certains candidats pourraient être impactés par cette victoire d'une gauche anti-gouvernementale.
1. Que va devenir Manuel Valls ?
À commencer par le grand perdant de cette élection. L'ancien premier ministre, qui
s'est déclaré candidat après le retrait de François Hollande, a été battu par son ancien ministre de l'Éducation nationale. Un ministre qui a donc claqué la porte de son gouvernement et représente
une frange de la gauche opposée à la sienne. Difficile d'imaginer Manuel Valls se ranger derrière Benoît Hamon dès lundi matin, comme
a pu le faire Arnaud Montebourg le dimanche même de sa défaite au premier tour. S'il a déclaré que
Benoît Hamon était "maintenant le candidat de (sa) famille politique", il avait toutefois annoncé pendant l'entre-deux-tours qu'en cas de victoire de son adversaire,
il "s'effacerait".
"Je ne pourrai pas défendre son programme. Je serai loyal, parce qu'il y a des règles pour la primaire", avait-il expliqué.
Dans son discours post-premier tour, Manuel Valls avait clairement assuré que
le choix Hamon signifiait "une défaite assurée". D'après nos confrères d'
Europe 1, un texte circulerait chez les députés vallsistes pour
se ranger derrière Emmanuel Macron. Il pourrait être publié en début de semaine.
Le départ de l'ancien ministre de l'Économie avait été vu comme un manque de loyauté par le chef de gouvernement de l'époque, qui avait dénoncé : "Dans ce moment-là, on ne peut pas partir, on ne peut pas déserter".
2. À qui ira le soutien de François Hollande ?
L'autre question qui se pose concerne le soutien du président de la République. Il paraît en effet compliqué pour François Hollande de soutenir un ministre qui a combattu sa politique.
Peut-il soutenir un député frondeur qui n'a eu de cesse de s'opposer à ses réformes depuis
sa démission, en août 2014 ?
Reste la possibilité de soutenir Emmanuel Macron. Lui aussi a claqué la porte du gouvernement mais, d'après l'entourage du Président, il ne serait pas impossible que ce dernier le lui pardonne. Il y a dix jours, l'un de ses proches, Dominique Villemot, a laissé entendre que
François Hollande pencherait davantage pour le leader du mouvement En Marche !, avant de se faire reprendre par le chef de l'État et sommé de démentir. Une possibilité qui se dessine de plus en plus au fur et à mesure que
l'entourage politique du président sortant
se rapproche de l'homme fort du moment, à l'instar de
Ségolène Royal.
3. Quelles conséquences pour Mélenchon et Macron ?
Les deux autres personnalités de la gauche qui risquent de ressentir l'impact de cette victoire sont Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron. Le fondateur d'En Marche ! peut espérer récupérer des voix chez les anciens soutiens de
François Hollande et Manuel Valls. Cette victoire de Benoît Hamon pourrait donc servir sa campagne, du moins plus qu'une victoire de l'ancien premier ministre, considéré moins à gauche, ou plus "réformiste", que son adversaire et, donc, plus proche de lui.
Jean-Luc Mélenchon peut, en revanche, craindre une perte de vitesse. Avec un programme plus proche de la France insoumise que les idées d'Emmanuel Macron, Benoît Hamon peut ratisser les voix des électeurs qui n'auraient jamais voté pour Manuel Valls et seraient aller se réfugier chez Jean-Luc Mélenchon. Le sondage Kantar Sofres-OnePoint réalisé pour RTL dimanche 29 janvier confirme cette possibilité.
Jean-Luc Mélenchon y plafonne à 10% au 1er tour, contre 15% pour Benoît Hamon.
Dans son discours de victoire, Benoît Hamon a assuré qu'il proposerait à Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot de former une "majorité gouvernementale", afin de réunir les gauches. Toutefois, un rapprochement entre les deux hommes semble compliqué. Jean-Luc Mélenchon a combattu la majorité tout au long du quinquennat et se présente en véritable tenant de la gauche.
4. Que va devenir le Parti socialiste ?
Plus que Valls, le PS peut être le plus grand perdant de l'élection.
Le Parti socialiste s'est fracturé de plus en plus profondément tout au long du quinquennat. Certaines mesures du gouvernement Valls ont fait fuir des élus qui ont formé le groupe que l'on appelle les "
frondeurs", cette frange du PS qui s'est bruyamment opposée à François Hollande et à "la gauche de gouvernement".
Une frange à laquelle appartient Benoît Hamon, le désormais candidat de la gauche, et donc du PS, à la présidentielle. Mais comment mettre un terme aux conflits internes ?
La fracture devrait s'agrandir encore un peu avec l'appel supposé des vallsistes à voter Macron.
Pour colmater la plaie, Benoît Hamon devra profiter de
la convention d'investiture de sa candidature le 5 février prochain pour tenter de réunir une gauche fracturée. Peut-être la convention de la dernière chance pour un parti en souffrance.